On a pris plusieurs initiatives en vue d’améliorer l’utilisation des ressources affectées aux soins de santé en général, mais aucune n’a attiré autant d’intérêt que la campagne Choisir avec soin, qui a été lancée aux États-Unis en 2012 et puis au Canada en 2014. Le programme s’est depuis élargi, s’implantant dans divers pays à l’échelle mondiale. Choisir avec soin (CAS) compte plus de 50 associations professionnelles qui ont contribué à plus de 330 recommandations – et ce chiffre continue d’augmenter!
En 2018, la SCSLM a accepté de devenir partenaire de la campagne CAS, se joignant à d’autres organisations comme la Société canadienne de médecine transfusionnelle, l’Association canadienne des pathologistes, la Société canadienne d’hématologie, l’Agence canadienne des médicaments et des technologies de la santé, la Fondation canadienne pour l’amélioration des services de santé et l’Université de l’Alberta.
L’élément manquant dans la campagne CAS dans le cadre du système de laboratoire était la voix des professionnels de laboratoire médical. La SCSLM et la division des sciences de laboratoire médical de l’Université de l’Alberta se sont regroupées pour créer de telles recommandations CAS. Nous avons le plaisir de vous présenter les résultats et les recommandations de ce projet national.
par La Société canadienne de science de laboratoire médical Dernière mise à jour : avril 2024
La phlébotomie n’est pas sans risque pour le patient et le professionnel de la santé. Bien qu’elles soient rares, des blessures par piqûre accidentelle et l’exposition à des agents pathogènes peuvent survenir. De plus, les pertes sanguines cumulatives associées aux prélèvements répétés peuvent causer une anémie iatrogène, particulièrement chez les personnes âgées, les enfants et les personnes malades. Cette anémie pourrait aggraver l’état des patients. Il a été démontré que l’emploi de mesures visant à réduire la quantité de sang prélevé atténue la gravité de l’anémie iatrogène. Ces mesures comprennent l’utilisation de tubes plus petits, l’ajout d’analyses complémentaires à effectuer à partir d’un échantillon de sang déjà prélevéet l’adoptiond’une politique fixant un volume maximal de sang pour les prélèvements.Éviter les doublons permet aussi d’éviterles ponctions multiples.
Sources
Pour obtenir des résultats fiables, il est indispensable que les échantillons que reçoit le laboratoire soient de bonne qualité. L’analyse d’un échantillon de piètre qualité peut donner lieu à des résultats trompeurs et contribue aux retards et à la reprise inutile des tests. Il faut éviter tout type d’erreur pour éliminer les répercussions négatives sur les décisions cliniques et les soins aux patients. Les professionnels de laboratoire doivent agir de manière proactive et s’assurer que tous les échantillons sont recueillis et identifiés selon les règles de l’art, indépendamment de la profession qu’exercent les personnes chargées des prélèvements.
Les échantillons de sang prélevés avant que des analyses précises soient prescrites, souvent vus comme des échantillons supplémentaires ou des échantillons de dépannage, sont souvent inutilisés et finissent par être jetés. Ils occasionnent un gaspillage de ressources de laboratoire et compliquent la gestion des échantillons. Par ailleurs, les prélèvements superflus sont un facteur contributif connu d’anémie iatrogène, qui est associée à l’aggravation de l’état des patients.
Plusieurs analytesont un profil de stabilité connu ou un intervalle minimal recommandé entre les tests. Dans la plupart des cas, les résultats d’analyse ne changeront pas durant cette période. Pour ces analytes, l’intervalleentre deux prélèvements peut être plus long que ce qui est normalement recommandé. La répétition des analyses à une fréquence plus élevée est peu susceptible de donner des résultats cliniquement importantset peut contribuer au développement d’une anémie iatrogène, quirisque d’aggraver l’état des patients. Le personnel de laboratoire peut jouer un rôle actif dans la sensibilisation aux prélèvements trop fréquents et la réduction de leur nombre.
La précision analytique des appareils modernes est très grande lorsque les résultats se trouvent à l’intérieur des valeurscommunicables et qu’il y a correspondance entre le résultat actuel et le précédent (delta check). Si l’intégrité de l’échantillon et la validité de l’exécution ont été confirmées, la répétition des analyses en cas de résultats critiques donne rarement des valeurs différentes. Par contre,l’obtention dudit résultat s’en trouve significativement retardée, ce qui a des répercussions négatives sur les soins aux patients et risque d’accroître le recours à des analyses superflues.
La surutilisation des analyses est un problème connu, et les données appuient des interventions multidimensionnelles qui misent sur les avancées des technologies d’ordonnances informatisées. Le groupage des analyses peut générer des résultats dont le prescripteur n’a pas besoin et donner lieu à des analyses en double ou à des mesures de suivi superflues. Les ensembles d’ordonnances devraient régulièrement être revus. La recherche préconise une meilleure collaboration entre tous les professionnels de la santé, y compris le personnel de laboratoire, pour réduire le nombre d’analyses superflues. Le personnel de laboratoire peut participer à toutes les étapes d’intervention, de la reconnaissance des problèmes etla formulation de commentaires à la création de documents d’information et de lignes directrices sur les ordonnances.
Les ordonnances permanentes qui n’ont pas de date d’arrêt ou de révisionpermettent la répétition des analyses pendant de longues périodes. Les ordonnances dont la validité n’est pas régulièrement réévaluéesont rarement nécessaires d’un point de vue clinique. Elles contribuent à la surutilisation des analyses de laboratoireet peuvent aggraver le risque d’anémie iatrogène.
Les analyses de laboratoire inappropriées font perdre du temps, des efforts et de l’énergie aux équipes, et pourraient causer des préjudices à la patientèle. La recherche démontre que des stratégies d’analyses ciblées en réponse à des questions cliniques claires améliorent l’utilité des résultats de laboratoire. Les professionnelles et professionnels de laboratoire peuvent jouer un rôle important dans les discussions cliniques avec les médecins prescripteurs afin de s’assurer que le test répond à une indication clinique précise.
La protection et le respect de la dignité et de l’autonomie de la patientèle sont la responsabilité de tous les prestataires de soins de santé. Même s’il y a eu des améliorations, les analyses et interventions futiles en fin de vie ne sont pas rares. La phlébotomie peut causer un inconfort et représente un fardeau important, et les analyses peuvent ne pas correspondre aux désirs de la personne traitée. Dans ces cas, les professionnelles et professionnels de laboratoire médical doivent défendre les intérêts de la patientèle et remettre en question le caractère essentiel des examens complémentaires.
La numération différentielle automatisée porte sur des milliers de cellules, alors que le processus manuel ne tient généralement compte que d’une centaine de cellules. Les instruments modernes bien validés produisent des numérations différentielles hautement fiables. La numération différentielle manuelle est laborieuse, chronophage et propice aux variations. La formule sanguine complète avec numération différentielle est un test courant, souvent demandé à répétition pour les personnes hospitalisées. Dans la plupart des cas, la répétition d’une numération différentielle des globules blancs en moins de 24 heures n’apporte aucune valeur clinique supplémentaire.
Les produits sanguins sont des ressources épuisables de grande valeur. Ils doivent faire l’objet d’une gestion attentive des stocks pour prévenir les pénuries, et une réserve nationale basse ajoute un stress dans le système. Les approches transfusionnelles restrictives se fondent sur des données probantes et sont vitales à la sécurité des personnes traitées. Les transfusions inappropriées représentent un risque accru pour la patientèle et peuvent entraîner des résultats défavorables. Les professionnelles et professionnels de laboratoire médical jouent un rôle important dans l’évaluation soigneuse des demandes de transfusion afin de réduire au minimum les préjudices potentiels et les coûts pour le système de santé, et dans la promotion de programmes qui réduisent les pratiques de transfusion inappropriées comme la campagne Transfuser avec soin (Choisir avec soin).
De nombreuses personnes, y compris les prestataires de soins de santé, ont de la difficulté à mettre en application les renseignements diagnostiques probabilistes dans la prise de décisions fondées sur des données probantes. Cela inclut aussi celles et ceux qui demandent des analyses diagnostiques. Cet enjeu est de plus en plus important au fur et à mesure que des analyses sont mises de l’avant pour la patientèle à faible risque, comme les analyses génétiques. La performance de chaque test de laboratoire varie et est fortement influencée par la prévalence de la maladie visée dans la population. Les professionnelles et professionnels de laboratoire médical peuvent favoriser des pratiques qui mettent en valeur l’interprétation des résultats d’analyses pour améliorer la prise de décisions cliniques.
La bactériurie asymptomatique est un résultat courant, mais anodin qui peut mener à un traitement inapproprié, notamment la prescription d’antimicrobiens superflus. Cela peut exacerber le développement et la propagation des organismes résistants aux antimicrobiens, ce qui a des répercussions importantes sur les coûts dans le système de santé et sur la sécurité de la patientèle. Les professionnelles et professionnels de laboratoire médical peuvent favoriser la bonne gestion des antimicrobiens en veillant à ce que les analyses d’urine avec culture ne soient réalisées que pour les personnes présentant les symptômes adéquats en consultant les médecins prescripteurs ou en fournissant un système de soutien décisionnel clinique clair.
Un sommeil perturbé est associé à un inconfort accru de la patientèle et à des préjudices. Le laboratoire peut exacerber la perturbation du sommeil en réveillant les personnes malades pour effectuer une phlébotomie. Des recherches dans de nombreux établissements ont démontré qu’un changement d’horaire ou des mesures visant à réduire des tests superflus peuvent avoir un effet positif sur la perturbation du sommeil. Les professionnelles et professionnels de laboratoire médical doivent collaborer avec leurs collègues du milieu clinique pour repenser le flux de travail ou instaurer des mesures qui favorisent le sommeil.
Comment cette liste a-t-elle été créée? (1-7)
La responsabilité du projet a été confiée à une équipe composée de membres de la Société canadienne de science de laboratoire médical (SCSLM) et du Programme de science de laboratoire médical de l’Université de l’Alberta. Un groupe de travail (ci-après le « comité d’experts ») a été mis sur pied après le recrutement de professionnels de laboratoire médical (PLM) chevronnés à l’aide d’une publicité de la SCSLM.Les membres du comité d’experts ont été choisis de façon à ce que la représentation géographique soit maximale, ainsi qu’en fonction de la durée et de la diversité de leur expérience de travail et de leur titre professionnel. Toutes les disciplines reconnues en science de laboratoire médical (chimie, hématologie, banque de sang, microbiologie et histologie) étaient représentées par au moins deuxmembres. Cinq rencontres virtuelles synchrones et des discussions asynchrones rendues possibles par la technologie ont eu lieu sur une période d’environ un an. Les éléments potentiels de la liste Choisir avec soin ont été proposés par les membres du Comité d’experts ou générés à la suite d’un sondage national de la SCSLM et d’une réunion dans le cadre de l’assemblée annuelle 2019 de la SCSLM. Une méthode Delphi modifiée a été utilisée pour raccourcir la liste. Nous avons effectué des revues exploratoires pour générer les données probantes à l’appui des éléments retenus.Les éléments qui reposaient sur les données les plus solides ont été soumis au conseil d’administration de la SCSLM pour approbation.
Comment cette liste a été établie (8-14)
La Société canadienne de science de laboratoire médical (SCSLM) a formé un comité de professionnelles et professionnels de laboratoire médical chevronnés (ci-après le « comité de spécialistes »). Le comité de spécialistes s’est réuni au début de 2023 pour développer une stratégie orientant l’élaboration de nouvelles recommandations. Des sous-comités ont été mis sur pied pour explorer les différentes sources de recommandations potentielles, notamment la liste des questions mises de côté lors de la première démarche de formulation de recommandations pour les professionnels de laboratoire médical en 2018-2019 et les questions de laboratoire publiées par d’autres sociétés dans le site de Choisir avec soins et à l’international, et pour mener des discussions dans leurs établissements locaux. Une longue liste de sujets a fait l’objet d’une rencontre en juin 2023, et 42 ont été retenus pour évaluation approfondie. Le comité de spécialistes a ensuite suivi un processus de priorisation asynchrone afin de cibler les recommandations les plus importantes au regard de la fréquence, du potentiel de gaspillage et de préjudices, et des obstacles professionnels aux actions futures. L’exercice de priorisation a permis de faire ressortir les recommandations les plus importantes, et les données probantes en appui à chaque recommandation ont été soumises à une analyse de la qualité. L’ébauche des recommandations a été approuvée par le conseil d’administration du SCSLM en décembre 2023.
À propos de la Société canadienne de science de laboratoire médical
La Société canadienne de science de laboratoire médical est l’organisme national de certification des technologistes et adjoints de laboratoire médical et l’association professionnelle regroupant les professionnels des laboratoires médicaux au Canada. Notre raison d’être consiste à : 1) promouvoir et préserver une norme de qualité de la technologie de laboratoire médicale acceptée à l’échelle nationale, norme qui assure aux autres professionnels de la santé comme au grand public des services de laboratoire efficaces et économiques; et 2) promouvoir, préserver et protéger l’identité et les intérêts des autres professionnels de laboratoire médical et de la profession.
Nos membres pratiquent leur profession dans des laboratoires médicaux du secteur privé ou hospitalier, dans des laboratoires de santé publique, des laboratoires gouvernementaux ou des laboratoires d’institutions de recherche ou d’enseignement. Incorporée en 1937 sous le nom dela Société canadienne des technologistes de laboratoire (SCTL), la Société compte plus de 14 500 membres, au Canada et dans divers pays du monde.
Pour comprendre les données probantes recueillies en appui de ces recommandations, veuillez consulter notre base de données des recommandations.
Avez-vous des questions à propos du processus de validation utilisé pour ces recommandations? Contactez research@csmls.org pour en apprendre davantage. Vous trouverez également des renseignements généraux dans la présentation des bénévoles.